Le contexte
Cette histoire a fait les manchettes nationales. Le 12 octobre 2021, la Ville d’Iqaluit a déclaré l’état d’urgence à la suite de la découverte de carburant dans son système d’épuration. Le jour suivant, elle mettait en vigueur un avis de non-consommation de l’eau du robinet concerne plus de 8 000 résidents de la capitale du territoire du Nunavut.
La communauté ne pouvait pas boire l’eau du robinet en raison de cet avis, et de vives inquiétudes se sont rapidement soulevées. Le stock d’eau embouteillée dans les magasins s’est vite épuisé et, étant donné l’emplacement éloigné de la ville, en faire venir davantage n’était pas une solution simple. Des chirurgies ont même été annulées à l’hôpital général Qikiqtani, le seul hôpital d’Iqaluit, puisqu’on ne pouvait garantir la pureté de l’eau, essentielle au fonctionnement des stérilisateurs d’instruments médicaux.
La Ville n’a pas perdu de temps pour réagir. Elle a tout de suite mis en place des points de distribution d’eau puisée dans la rivière Sylvia Grinnel. Le gouvernement territorial a quant à lui fait l’achat de dizaines de milliers de litres d’eau embouteillée à distribuer dans la communauté, puis des membres des Forces armées canadiennes sont arrivés en ville avec un système de purification pour offrir encore plus d’eau aux résidents. Les efforts déployés ont été multiples, de sorte à réduire le plus possible les conséquences sur la communauté.
Sur le terrain à Iqaluit
Au début du mois d’octobre, WSP a été dépêchée sur le terrain afin d’aider la Ville à cibler la source de la contamination et à mettre en place des mesures immédiates pour empêcher le public de consommer de l’eau potentiellement insalubre.
Il ne s’agissait pas de la première fois que l’équipe de WSP était dépêchée en renfort à Iqaluit pour une intervention d’urgence. En effet, la Ville d’Iqaluit avait déclaré l’état d’urgence en 2018 en raison de l’épuisement rapide d’une source d’eau brute. Notre équipe avait alors étudié d’autres solutions d’approvisionnement en eau, ainsi que des technologies de traitement supplémentaires permettant de fournir de l’eau potable aux résidents, et s’était arrêtée sur la construction et la mise en œuvre d’un système de traitement par osmose inverse de type conteneurisé puisant son eau de la baie de Frobisher.
La situation en 2021 était cependant bien différente. Plusieurs paliers de gouvernement et une équipe multidisciplinaire composée d’ingénieurs, de spécialistes, d’employés des travaux publics, d’experts en consultation des autochtones, et de bénévoles de la communauté, ont cette fois-ci dû travailler ensemble pour assurer la sécurité continue du public.
C’est le 12 octobre que la Ville a noté pour la première fois que l’eau du réservoir North Clear, l’un des nombreux réservoirs souterrains d’eau traitée, était contaminée. Travaillant à distance, l’équipe de WSP a été en mesure d’isoler, de vider et d’inspecter le réservoir North Clear avec l’aide du personnel de la Ville. Toutefois, elle n’a pas repéré de fissures ni de signes indiquant la source de la contamination. Plusieurs questions subsistaient, notamment comment le carburant s’était retrouvé dans le réservoir et quelles pourraient être les répercussions à long terme sur le réseau.
Nous sommes arrivés sur les lieux le 19 octobre dans le but de répondre à ces questions. Pendant l’enquête, nous avons découvert un espace vide souterrain situé entre la station d’épuration et le substrat rocheux. C’est dans cet espace que nous avons constaté la présence d’un ancien réservoir de stockage de carburant souterrain placé à côté du réservoir North Clear et découvert des indices prouvant que son contenu s’était vidé dans l’espace vide au fil des années. Ainsi, des hydrocarbures légers s’infiltraient dans le réservoir d’eau à travers le béton, contaminant son contenu. Grâce à une collaboration rapide avec la Ville, nous avons réussi à cibler la source de la contamination de la station d’épuration et, le 24 octobre, à bloquer cette voie de contamination.
À la suite de cette découverte, nous avons entrepris plusieurs travaux, dont l’enlèvement de l’ancien réservoir de stockage, le nettoyage de l’espace de vide et l’installation d’un système de dérivation pour éviter de puiser de l’eau de la zone contaminée jusqu’à ce qu’un nettoyage exhaustif puisse être réalisé. La Ville a également procédé à l’installation et à l’étalonnement de S::CAN, un système de surveillance en ligne des hydrocarbures.
Ces actions nous ont permis de nous attaquer à la cause fondamentale de la contamination et de mettre en place des mesures efficaces visant la restauration d’un service d’approvisionnement en eau qui soit conforme aux directives fédérales en matière de santé. Enfin, le 10 décembre, les responsables de la santé publique du Nunavut ont levé l’avis indiquant de ne pas consommer l’eau du robinet.
Apparition d’un nouveau problème
Une nouvelle crise est survenue à la mi-janvier. Cette fois-ci, le système de surveillance en ligne de la Ville a détecté par deux fois des traces de carburant dans le réseau d’approvisionnement en eau.
Nous sommes donc retournés à Iqaluit pour commencer immédiatement une série d’inspections sous les réservoirs avec l’objectif de déterminer rapidement la provenance de cette nouvelle source de carburant.
Lors de ces inspections, nous avons effectué des analyses détaillées des éléments matériels et structuraux des réservoirs et, ce faisant, avons repéré une incohérence quant à la qualité des matériaux composant les parois. L’examen de l’un des réservoirs, soit la chambre de pompage, a révélé qu’une substance apparentée au goudron suintait en grande quantité de l’une des parois. Grâce à l’analyse médico-légale des empreintes digitales et à l’examen d’anciennes photos prises lors des travaux de construction, nous avons pu confirmer qu’il s’agissait de Waterstop-RX, lequel n’avait pas été installé conformément aux spécifications du fabricant.
Nos recherches nous ont permis de déterminer qu’une certaine concentration du matériau avait traversé la paroi du réservoir, contaminant ainsi l’eau à l’intérieur et engendrant le problème de carburant. La solution? L’installation d’un système de dérivation de l’eau potable qui utilise une désinfection aux ultraviolets suivie d’une chloration. Ce système permet de contourner tous les réservoirs souterrains en béton, d’offrir aux résidents une eau potable qu’ils pourront boire en toute sécurité, et d’éviter tout autre problème de contamination de l’eau. Il restera en place jusqu’à ce que les travaux d’assainissement du réservoir soient terminés.
Au cœur de la crise de l’eau potable, la Ville a présenté une demande de financement auprès du gouvernement fédéral. Cette demande a été acceptée et elle permettra la mise en œuvre d’une solution durable d’approvisionnement en eau. Maintenant que la deuxième crise est chose du passé, et grâce à la promesse d’un financement, le gouvernement local collabore avec ses partenaires afin d’élaborer un plan visant à construire un nouveau réservoir d’eau potable qui fournira une source d’eau fiable et durable pour la communauté.