Trop souvent et pendant trop longtemps, des digues à stériles ont cédé, ayant des conséquences désastreuses pour l’environnement et la vie humaine. L’effondrement dévastateur du barrage de Brumadinho, au Brésil, en 2019 est un exemple récent d’une très longue histoire de ruptures majeures de bassins de retenue des résidus dans le monde. La tragédie a néanmoins donné lieu à une importante évolution pour l’industrie minière internationale, à savoir la norme industrielle mondiale pour la gestion des résidus (GISTM) [en anglais] – publiée en août 2020 par le Conseil international des mines et métaux (ICMM), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et les principes pour l’investissement responsable (PIR).
En tant que premier défenseur international de la sécurité et du développement durable dans le secteur minier, WSP estime que le lancement de la GISTM est un jalon dans l’industrie, la plupart des grands propriétaires de mines adoptant la norme comme un élément clé de leur gouvernance. La norme répond à l’attente des sociétés, qui demandent que l’industrie minière en fasse plus pour atteindre l’objectif de zéro rupture catastrophique. Par le recours à six thèmes, la GISTM définit un cadre afin d’établir les priorités en matière de sécurité pour toute la durée de vie d’un parc à résidus miniers, y compris la conception, l’exploitation, la fermeture et la post-fermeture.
En nous appuyant sur la GISTM, les discussions avec les leaders de l’industrie et notre expérience à titre d’ingénieur désigné, nous estimons que quatre domaines sont essentiels pour assurer la réussite future de la gestion des résidus.
1. La conception doit être rigoureuse, souple et résiliente et doit permettre de cerner tous les modes de ruptures crédibles.
Une bonne conception permet de sauver des vies. Lorsque la conception est rigoureuse, résiliente et redondante, nous prévoyons et cherchons à éliminer, dans la mesure du possible, la possibilité de rupture. Le thème III de la GISTM établit un cadre détaillé pour la conception, la construction, l’exploitation et la surveillance des parcs à résidus miniers et précise la nécessité de considérer tous les modes de ruptures crédibles, puisque c’est à cet égard que surviennent bon nombre des problèmes liés aux digues à stériles.
Pour réduire au minimum et dans la mesure du raisonnable la possibilité de rupture, il est essentiel d’avoir cerné l’éventail des modes de ruptures potentiels et d’avoir mis en place des moyens de défense et de solides mesures de contrôle sur le plan d’une conception qui comporte des liens clairs entre le mode de ruptures, les moyens de défense conçus et la surveillance pour chaque mode de ruptures crédible. La nécessité d’une conception rigoureuse va souvent à l’encontre du désir de réduire les coûts au minimum. En règle générale, une conception rigoureuse peut être perçue comme entraînant des coûts non essentiels, mais la chasse aux coûts est une voie sûre vers la catastrophe. La sécurité des collectivités et la protection de l’environnement ne doivent jamais être compromises, et le coût d’une rupture dépasse de loin les coûts additionnels d’une conception rigoureuse.
Comme la technologie ne cesse d’évoluer, il est également important d’envisager toutes les options possibles. Nous devons garder la porte ouverte à l’intégration de nouvelles technologies, plutôt que de s’arrêter à une conception particulière et immuable. Par exemple, grâce à l’amélioration de la technologie des filtres, il sera possible d’utiliser le filtrage pour assécher les résidus à des taux de production plus élevés, ce qui permettra de réduire le volume des résidus stockés dans des installations de surface en milieu humide.
Changer la technologie n’est cependant pas sans difficulté. Des répercussions sur les coûts, la gestion d’autres mécanismes en cas de rupture et différentes exigences pour la fermeture seront à considérer. L’évacuation de l’eau, en particulier d’un bassin de surface, permettra certainement de réduire la possibilité de rupture par écoulement et la distance d’écoulement de l’eau. Si un système de filtration des résidus permet de diminuer le risque pour la vie humaine, il faudra néanmoins des mesures particulières pour gérer la poussière, contrôler l’oxydation des sulfures réactifs et la lixiviation des métaux et atténuer les effets des précipitations. Le système peut donc avoir des répercussions importantes sur l’environnement, la collectivité et la réputation.
2. La sensibilisation est nécessaire dans l’ensemble de l’industrie.
Vu les exigences accrues formulées dans la GISTM concernant les postes d’ingénieurs désignés, de réviseurs techniques, de cadres responsables et d’opérateurs qualifiés, il y aura un besoin important de sensibilisation et de formation, de perfectionnement et de partage des connaissances dans l’ensemble de l’industrie. Les pratiques exemplaires mondiales devront être communiquées non seulement aux clients, mais aussi aux consultants, aux organismes de réglementation et aux intervenants.
En tant qu’industrie, nous ne pouvons nous en tenir à ce que nous avons fait jusqu’à présent. Dans certains pays, de nouvelles options ne sont pas envisagées parce qu’elles n’ont pas encore été éprouvées. Il est temps de tirer parti de notre expérience à l’échelle mondiale de façon à adopter la meilleure technologie disponible ayant fait ses preuves dans d’autres régions du monde.
Nous devons également donner à nos employés une formation polyvalente et les perfectionner pour qu’ils puissent mettre en œuvre ces technologies et ces méthodes, et ainsi renforcer l’attitude de l’industrie à l’égard de la gestion des modes de ruptures crédibles. Nous pourrions bâtir une industrie plus sûre si la gestion des modes de ruptures crédibles pouvait être un IRC aussi important que le fait d’être en avance sur l’échéancier ou d’être en deçà du budget. Les erreurs peuvent se produire lorsque les coûts sont le principal objectif ou lorsqu’il faut se presser pour respecter une échéance.
En tant qu’industrie, la meilleure façon pour nous d’apprendre est d’examiner en profondeur ce qui a échoué auparavant et pourquoi.. Nous devons revenir sur les modes de ruptures qui n’ont pas été adéquatement pris en compte lors des ruptures antérieures et tirer des leçons du passé. Grâce à ces connaissances, nous pouvons élaborer une approche solide pour comprendre les ruptures des parcs à résidus miniers et mettre en place les mesures de défense et de contrôle appropriées sur le plan de la conception afin d’atténuer les risques.
3. La gouvernance à l’étape d’exploitation est cruciale.
La gouvernance est un élément fondamental d’un parc à résidus miniers plus sécuritaire. Le thème IV de la GISTM expose la nécessité des postes de cadre supérieur responsable, d’ingénieur responsable des parcs à résidus miniers et d’ingénieur désigné, ainsi que d’examens permanents et réguliers de la gestion des risques et de la sécurité. Il est également essentiel d’avoir recours aux personnes pertinentes pour la conception et l’exploitation, y compris les techniciens (concepteurs), les opérateurs, les spécialistes de l’environnement et de l’eau, les planificateurs en aménagement de mines et d’autres intervenants. Une vision holistique nous permet de tirer parti des possibilités au fur et à mesure qu’elles se présentent (p. ex. utilisation de déchets miniers pour construire des remblais, ou d’une partie du flux de résidus miniers pour le remblai souterrain) et de cerner très tôt les écarts par rapport à la conception (p. ex. un changement de processus), favorisant ainsi la mise en place de mesures correctives.
L’introduction d’un processus détaillé, rigoureux et régulier d’évaluation des risques est le contrepoids essentiel à la flexibilité de la conception abordée précédemment. Le changement est inévitable une fois que les installations sont en activité. Les changements qui surviendront comprendront probablement certaines variations relatives aux taux de traitement, aux débits, aux méthodes, aux quantités broyées, aux besoins en eau et de façon plus générale, à l’hydrogéologie régionale et aux régimes climatiques. Il est par conséquent essentiel que les hypothèses formulées durant l’étape de la conception soient continuellement révisées et évaluées à la lumière des conditions réelles.
4. Une conception tenant compte de l’étape de la fermeture.
Les parcs à résidus miniers demeurent en place très, très longtemps, et bon nombre d’entre eux seront là pour toujours. Tant à l’étape de la conception que durant l’exploitation, nous devrions toujours considérer ce qui sera laissé à la collectivité lorsque la durée d’exploitation de la mine arrivera inévitablement à sa fin. Nos projets laisseront-ils un héritage positif, ou allons-nous simplement partir et confier un risque perpétuel à la collectivité?
Plusieurs possibilités de changer le paradigme dans le domaine de la fermeture des mines s’offrent à nous, en appliquant des solutions novatrices et durables qui maximiseront les avantages pour la collectivité. Les résidus miniers peuvent être utilisés pour soutenir une industrie communautaire (p. ex. pour la fabrication de briques) ou offrir une valeur supplémentaire (p. ex. en générant de l’énergie renouvelable par l’installation de panneaux solaires sur le barrage).
Afin d’atténuer le risque continu à long terme pour la collectivité et l’environnement, des mesures concernant les modes de ruptures crédibles doivent être appliquées et revues régulièrement et indéfiniment, de façon à ce qu’il y ait toujours une profonde compréhension de la façon dont les choses pourraient mal tourner et de l’efficacité de toutes les mesures de contrôle afin de prévenir les ruptures.
Tout se résume donc à l’objectif de gérer les résidus sans préjudice pour les personnes, sans dommage pour l’environnement et sans aucune tolérance pour la perte de vies humaines. La GISTM est un pas très important dans la bonne direction, soit vers une gestion des résidus plus sécuritaire et plus durable, et WSP est prête à soutenir sa mise en œuvre à l’échelle mondiale.
À propos de l’auteur
Peter Chapman est ingénieur principal spécialiste des résidus miniers au bureau de Perth de WSP. Peter possède plus de 18 ans d’expérience en génie civil, se spécialisant dans les résidus et la conception de lixiviation en tas. Sa fonction principale est celle d’ingénieur en chef ou de directeur de projet dans le cadre de projets relatifs aux résidus, allant des études de détermination de la portée aux études de faisabilité en passant par l’ingénierie détaillée, la supervision et la direction des analyses de conception, la supervision de programmes spécialisés de travaux d’essai sur les résidus et la planification de fermeture. Il est ingénieur désigné pour de multiples sites et un leader du secteur minier mondial de WSP.