2. Utiliser son sens de l’observation, plutôt que sa calculatrice
Comprendre comment tient la structure d’un bâtiment existant revient à mener une enquête. Matthew Petticrew a appris à trouver des indices en observant les démolitions de bâtiments et en apprenant d’ingénieurs expérimentés lors de visites sur le terrain. Une forte pluie, par exemple, peut révéler le trajet des conduits de cheminée dans un mur en briques, car on sait que les sections plus fines sèchent plus rapidement et que les araignées aiment tisser leurs toiles sur des surfaces sèches et stables. Au Royaume-Uni, on sait que les bâtiments antérieurs à l’ouverture du pont du Forth (la première grande structure en acier de Grande-Bretagne) sont presque tous conçus en fer, tandis que les bâtiments construits après les années 1890 sont probablement en acier. « Si on connaît les caractéristiques de chaque époque, on peut évaluer avec beaucoup de certitude la manière dont un bâtiment a été construit, sans avoir à le démonter ou à effectuer des tests qui pourraient l’endommager. »
La Première Guerre mondiale est une autre époque importante dans l’histoire de la construction en Europe, car de nombreuses forêts matures ont été abattues à l’époque. Avant la guerre, les bâtiments étaient construits avec du bois dur très résistant, prélevé au cœur d’arbres matures, alors que les structures en bois plus récentes sont fort probablement faites de bois tendre, plus sujet aux insectes, issu de l’extérieur des troncs. Voilà pourquoi les calculs d’ingénierie structurale modernes, qui sont basés sur des codes de conception optimisés pour le bois tendre, ne s’appliquent pas toujours aux anciens bâtiments en bois.
Les fissures sont aussi des indices, mais ne sont pas toutes pertinentes. Grâce à un examen visuel attentif, Matthew Petticrew peut déterminer le type de mouvement qui les a provoquées, par exemple, en observant leur forme et en vérifiant si leurs bords sont irréguliers ou nets. « On peut faire de mauvais choix si on se concentre uniquement sur les fissures sans comprendre ce qu’elles indiquent. C’est la signification de la fissure qui compte : fait-elle partie d’un composant dans le chemin de charge? Si oui, alors c’est notable, et on doit déterminer si ce composant risque d’être compromis. »
Pour les vieux bâtiments, Matthew Petticrew dispose souvent de peu d’information, hormis une date de construction approximative et les preuves qu’il recueille de ses propres yeux. L’observation attentive est tout aussi importante pour les bâtiments plus modernes, pour lesquels on pourrait s’attendre à disposer de plus d’information. « Il se peut qu’il n’y ait pas encore de plans et, même s’il y en a, ça ne garantit pas que le bâtiment a réellement été construit ainsi. Toutes les informations sont utiles. Mon mot d’ordre, c’est de toujours faire confiance à ce que je vois. »
3. Suivre l’eau
L’une des règles empiriques éprouvées de Matthew Petticrew consiste à examiner très tôt les endroits clés où l’eau pourrait pénétrer, par exemple les gouttières, les conduites d’eaux pluviales, les parapets et les noues de toit. « Peu importe que le bâtiment ait 500 ans ou 50 ans, l’eau est toujours le plus grand danger, explique-t-il. Si la structure est en mauvais état, les endroits où il y a eu de l’eau, ce sera pire. À l’inverse, si les zones où l’eau est susceptible de pénétrer sont en bon état, alors les endroits où elle ne peut pas entrer le sont aussi. »
L’humidité est une autre raison pour laquelle on ne peut pas simplement appliquer les solutions à faible empreinte carbone d’aujourd’hui aux anciens bâtiments. Les murs modernes sont dotés d’une cavité qui permet de recueillir l’eau et de la rediriger dans les chantepleures. Les murs plus anciens sont épais et lourds, et ils fonctionnent en absorbant et en libérant l’humidité. Si ce processus n’est pas compris et que les composants de construction ne sont pas adaptés en conséquence, il y a un risque de dégâts imprévus qui peuvent endommager le mur et provoquer de l’humidité et de la moisissure à l’intérieur du bâtiment.
De même, si les fissures d’un mortier de chaux respirant sont réparées avec du ciment moderne, le résultat peut affaiblir plutôt que renforcer la structure. « Si l’eau ne peut plus sortir à travers le mortier de chaux, car il est bloqué par le ciment, elle est forcée de passer à travers la brique ou la pierre, ce qui fait que la brique ou la pierre se fissure, s’effrite et se détache, aggravant le problème. »