Le vieillissement de la population entraîne une demande croissante de ressources d’habitation adaptées et d’établissements de soins de santé. De manière plus générale, les personnes de tous les groupes d’âge ont aussi besoin de logements abordables et accessibles. Afin de combler l’écart entre les niveaux de services offerts dans les régions rurales, par rapport aux zones urbaines, il est primordial de tirer profit des réseaux informatiques haute vitesse, des nouvelles solutions de transport et des possibilités offertes par les télécommunications.
Dans les zones urbaines, l’adoption d’une approche privilégiant les usages mixtes et le concept de ville compacte sera la clé d’une utilisation efficace du territoire et des ressources, en plus de la vitalité aux centres urbains. Nous constatons déjà aussi l’émergence d’un nombre croissant de projets qui repensent les ressources d’habitation pour les personnes âgées, comme la colocation collaborative, ou le remplacement des établissements institutionnels par de nouveaux genres d’habitations adaptées situées près des centres-ville, qui offrent une meilleure accessibilité et davantage de lieux de rencontre. Ces initiatives profitent à l’ensemble de la communauté en encourageant une mixité intergénérationnelle. La Norvège, qui compte une bonne diversité de ce genre de projets en préparation, donne l’exemple en ce sens.
Les pressions pour atteindre la carboneutralité et freiner la perte de biodiversité ont entraîné la mise en vigueur de nouvelles lois et de nouvelles obligations dans tous les secteurs d’activité. Cela nous force à revoir notre manière de concevoir le bâtiment. Nos clients sont de plus en plus nombreux à se fixer par eux-mêmes des objectifs basés sur des données scientifiques. En réponse à cela, nous devons être en mesure de les conseiller sur tous les aspects des principes de la carboneutralité et de l’économie circulaire, et ce, à toutes les étapes des projets; du cadre stratégique à la planification, jusqu’à la mise en œuvre et à la gestion. Nous sommes aussi de plus en plus conscients des enjeux de santé mentale et physique. La responsabilité d’y trouver des solutions incombe encore toutefois principalement au secteur des soins de santé, des services sociaux et communautaires et des services à l’enfance. Les secteurs du bâtiment, du développement urbain, des transports et de l’environnement ne tiennent pas encore compte de ces aspects. Il faut privilégier une approche holistique, car une vision trop étroite des choses, en vase clos pour chaque secteur, comporte des risques évidents.
Les statistiques indiquent une baisse du taux de natalité dans les pays nordiques au cours de la dernière décennie. En 2022, de nouvelles données montraient que la Suède avait atteint son plus bas taux de natalité en 17 ans. Cette situation engendrera une diminution des recettes fiscales des municipalités et une pénurie de main-d’œuvre qui sera particulièrement dommageable dans le secteur des soins de santé, où la demande augmentera inévitablement. La Finlande a déjà dû faire face à un grave manque de main-d’œuvre dans des secteurs essentiels. L’immigration, entre autres grâce à l’afflux temporaire de ressortissants ukrainiens, permet de combler en partie ce déficit, mais des politiques d’immigration plus strictes dans l’avenir pourraient priver le pays de ces ressources. Il conviendrait donc de porter plus d’attention aux politiques d’immigration en mettant l’accent sur la transparence d’un processus décisionnel fondé sur la connaissance.
De plus, le marché du logement a sombré dans le marasme dans plusieurs régions, les prix ayant chuté en raison de la hausse des taux d’intérêt et de la crise de l’énergie. Il est ainsi moins rentable aujourd’hui de construire de nouvelles habitations qu’au cours de la dernière décennie.
Tenant compte de tous ces facteurs, il semble plus probable qu’au cours des années à venir, les stratégies d’investissement dans le domaine de l’immobilier seront davantage axées sur le secteur public. En parallèle à cela, pour réduire le coût des nouvelles constructions et adapter l’offre à l’évolution des caractéristiques démographiques, nous devrions consacrer plus d’efforts à étudier les possibilités d’utiliser les bâtiments existants et de convertir leur usage au besoin. Une telle approche prend évidemment tout son sens si on la considère du point de vue des changements climatiques.
Dans les pays nordiques, plusieurs secteurs se sont dotés de feuilles de route de sortie des énergies fossiles. En Suède, le secteur de la construction s’est donné l’objectif de diminuer de moitié d’ici 2030 ses incidences sur les changements climatiques. De plus, une nouvelle mesure introduite en 2022 oblige les promoteurs à calculer et à déclarer les impacts des nouvelles constructions sur les changements climatiques. Les trois autres pays s’engagent eux aussi sur cette voie.
Constat de 2023 quant aux forces et faiblesses des pays nordiques
Les pays nordiques font des progrès en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation, mais pas assez vite. Nous figurons aussi parmi les pays dont le taux de consommation est le plus élevé au monde et nous tardons à mettre en pratique les principes de l’économie circulaire. Nous disposons néanmoins de tous les outils nécessaires pour nous attaquer à ces enjeux. La culture des pays nordiques se distingue par un haut degré de confiance sociale, peu de corruption et une bonne sécurité économique, malgré une aggravation des inégalités de revenus dans toute cette région du monde. Notre population est active et instruite, et nos sociétés ne reposent pas sur des modèles hiérarchisés, ce qui facilite l’implantation de solutions holistiques. Ces atouts constituent de solides fondations pour un développement urbain inclusif et adapté au climat.
Nos deux plus grands risques seraient la complaisance et un faux sentiment de sécurité. En Suède, on estime que le vieillissement des infrastructures, la croissance démographique et les changements climatiques mèneront à des pénuries en eau. De plus, l’approvisionnement en électricité posera d’énormes défis au cours des années à venir, considérant la demande croissante en électricité, l’âge des infrastructures de production, ainsi qu’un réseau de transport et de distribution vieillissant et sous-dimensionné.
Un autre piège majeur serait de ne pas agir en raison des possibles répercussions économiques sur les particuliers. Par exemple, l’imposition d’une majoration des prix sur les fournitures non durables pourrait éventuellement obliger les gens à faire des choix durables, mais seulement après qu’ils aient eu à assumer les coûts d’une transition vers des mesures écoresponsables, ce qui peut se révéler onéreux. Les politiciens, en effet, ne veulent pas perdre le soutien de la population en réduisant son niveau de vie. En l’absence de législation de la part des gouvernements, il revient au particulier de s’engager personnellement et d’investir pour adopter un mode de vie durable.
De plus, à défaut d’agir pour préserver la biodiversité, on augmente les risques d’épuiser les ressources naturelles, ce qui entraînerait une hausse du prix des matières premières, des pénuries alimentaires et des ralentissements économiques.
Voilà l’occasion pour nos pays de devenir des chefs de file du développement durable et de prendre des mesures-choc en la matière, en passant bien sûr par l’adoption de lois environnementales sévères, mais en s’assurant d’en maîtriser les coûts. Pour les entreprises, il y a aussi des avantages à tirer des choix faits en faveur du développement durable. Par exemple, durant la crise du pétrole des années 1970, le Danemark a décidé de se tourner vers la production d’énergie éolienne. Cette décision s’est révélée à l’époque très coûteuse à plusieurs égards, mais le pays se retrouve aujourd’hui en tête de peloton sur le plan technique, dans un marché mondial en continuelle expansion.
La voie vers un avenir équilibré
L’avenir des pays nordiques sera influencé et défini par la façon dont la société réagira et s’adaptera aux engagements rendus nécessaires pour parvenir, par exemple, à la carboneutralité ou à une plus grande biodiversité. Nous croyons, en tant que consultants du domaine de l’environnement bâti et naturel, que notre plus grande priorité doit être la conservation des ressources naturelles. Nous devons vivre selon les moyens de notre Terre et la clé pour y parvenir réside dans la circularité. En mettant en œuvre une économie circulaire, nous pouvons réduire la consommation de ressources sans nécessairement restreindre leur usage. Ce principe peut s’avérer particulièrement utile lorsque le temps manque pour la croissance et la reconstruction. Nous devrions faire appel à des solutions intelligentes et, au sein de l’environnement bâti, nous concentrer sur ce qui est déjà en place. Il importe aussi de garantir l’accès aux ressources telles que l’eau et l’électricité. En effet, tout manque en ce domaine risquerait d’engendrer de l’agitation sociale et nuirait à la durabilité de l’économie. Dans le cas de l’énergie, toute possibilité d’un avenir équilibré repose sur l’utilisation de sources renouvelables, sur une infrastructure efficace et sur un marché de l’énergie qui fonctionne rondement.
Les villes doivent être conçues de manière à pouvoir continuer d’offrir à leurs citoyens des emplois et de bonnes conditions de vie. Quant aux processus de planification et d’urbanisme, ils doivent accorder la priorité au développement durable et être centrés sur les besoins des personnes, tout en assurant la santé des écosystèmes. La participation et l’engagement des communautés sont essentiels pour assurer la transition et atteindre les objectifs de carboneutralité et de biodiversité. Pour parvenir à un développement plus équilibré et plus juste, et pour en assumer la responsabilité à long terme, il est aussi important de renforcer les capacités et les connaissances des personnes qui sont au cœur de ces processus. C’est particulièrement vrai pour la Suède, où l’on assiste à un recul de performance par rapport à l’objectif no 10 de l’ONU : inégalités réduites. Il devient de plus en plus nécessaire pour le pays d’améliorer ses approches d’urbanisme s’il veut créer des communautés durables sur le plan social.
Pour combler les inégalités entre les zones urbaines et rurales, il est impératif d’appliquer de manière adaptée les principes d’urbanisme et de planification à des lieux et à des contextes variés. C’est particulièrement vrai dans le cas des transports, mais aussi pour ce qui est d’assurer la vitalité et l’attrait d’endroits et de communautés de partout au pays. La planification à long terme doit tenir compte de la croissance de la population vieillissante. Les jeunes ont besoin d’avoir accès à l’emploi et il faut trouver des solutions pour favoriser l’inclusivité et redresser les déséquilibres présents dans le marché du travail. Cette tâche est particulièrement urgente pour la Finlande. Le centre Nordregio a préparé une carte montrant la répartition des zones urbaines et rurales dans les pays nordiques.