La base antarctique de la Nouvelle-Zélande est soumise à l’un des climats les plus froids et les plus rigoureux sur Terre, caractérisés par de longs hivers d’obscurité totale et de températures pouvant chuter sous les -40 °C. Pendant quatre mois au cours de l’année, soit la durée du court été polaire, la base est habitée par une équipe d’environ cent scientifiques qui travaillent sur des études de pointe en matière de protection de l’environnement et de changements climatiques. Jusqu’à maintenant, les chercheurs vivaient et travaillaient dans un complexe de 12 bâtiments construits par morceaux dans les années 1970 et 1980. Ces structures sont maintenant arrivées à la fin de leur vie utile.
Antartica New Zealand a donc mandaté une équipe d’experts spécialisés dans la conception de bâtiments adaptés au climat de régions froides pour réaménager le site et ainsi remplacer la station existante par une base hors réseau complètement autosuffisante, et qui aura peu d’incidence sur l’environnement. Trois bâtiments de deux étages connectés entre eux seront donc construits. L’un servira de résidence, l’autre accueillera les laboratoires et les bureaux, et enfin le dernier sera destiné aux installations de soutien. Agissant à titre de responsable du génie civil et de l’ingénierie de structures, WSP devra trouver comment construire ces structures surélevées au-dessus d’une couche de pergélisol, et ce, dans une des régions les plus isolées du globe.
« Il s’agit d’un projet sans pareil sur les plans de l’échéancier et de la logistique », explique Jamie Lester, responsable technique, Structures du bâtiment, chez WSP. « Nous n’avons qu’un très court créneau de quatre mois entre novembre et février, lorsque les heures de clarté sont suffisantes et qu’il ne fait pas trop froid, pour procéder à la construction. » Afin de faciliter et d’accélérer les travaux, la base sera modulaire. La majeure partie de celle-ci sera préfabriquée et assemblée avant d’être expédiée à partir de la Nouvelle-Zélande. « La mer n’est navigable qu’à partir de janvier. Tous les matériaux nécessaires aux travaux de l’année suivante doivent donc être livrés à cette période pour que la construction puisse commencer rapidement l’été qui suit. »
Les fondations poseront le plus grand défi structurel en raison du gel et du dégel du pergélisol, nécessitant l’emploi de solutions de conception hors normes pour faire face aux diverses conditions. « Nous étudions diverses options, y compris la construction des structures sur des plateformes cimentées ancrées dans le pergélisol ou bien l’utilisation d’une méthode populaire au Canada basée sur la congélation des sols », continue Jamie Lester. « La glace est relativement élastique, donc très difficile à excaver avec une machine. Il faudra se servir de méthodes de forage et de dynamitage, soit des activités à forte intensité de main-d’œuvre. »
La réalisation des travaux dans l’un des climats les plus froids de la Terre est un autre problème bien réel. « J’étais sur le site en novembre, et la température était de -5 °C, ressentie comme -19 °C avec le refroidissement éolien », se souvient Jamie Lester. « L’atmosphère est aussi extrêmement sèche, ce qui influe sur notre choix de matériaux pour le projet. Le rétrécissement du bois pose tout particulièrement problème. Et donc, tout matériau de bois entrant dans la composition des structures devra être spécialement traité. »
Les changements climatiques apportent également leur lot de complications étant donné que la station a une durée de vie utile d’au moins 50 ans. « C’est quelque chose dont nous devons tenir compte pour décider de la profondeur et du type de fondations sélectionnées au cas où la couche active du pergélisol changerait. » L’équipe a également tenu compte de l’activité sismique. Bien qu’historiquement le risque d’une telle activité dans cette zone soit très faible, si la calotte glaciaire commence à fondre, les mouvements tectoniques locaux pourraient s’en trouver affectés. « Il est difficile de prévoir les changements climatiques et les risques naturels. Nous en apprenons plus chaque jour sur le sujet », confie Jamie Lester. « Mais c’est ce qui rend ce projet si intéressant. »