1. Commencez là où vous êtes
« Nous n’avons pas affaire à beaucoup de clients qui commencent de zéro. Toutes les grandes organisations ont déjà réfléchi au sujet : elles ont établi des cibles, créé un inventaire, instauré certains cadres internes et même peut-être effectué des études au niveau des bâtiments. La première étape consiste à comprendre ce qu’elles ont fait pour préparer le terrain et quels sont les éléments qui fonctionnent », ajoute Carolyn.
L’exploration et l’analyse de données représentent une grande partie du travail initial, mais les réunions sont tout aussi importantes. « Je recommande toujours de développer une stratégie générale assez vite, d’obtenir des réponses suffisamment bonnes, puis de mobiliser les intervenants afin de tester les options et de voir si elles obtiendront ou non un appui interne. De nombreuses personnes au sein de l’organisation sont impliquées. Il y a les gens qui travaillent en finances, les gestionnaires d’actifs, les exploitants de bâtiments et différentes personnes du côté des locataires et du côté du propriétaire. Les clients veulent parfois se lancer directement dans les solutions techniques ou se concentrer sur un ou plusieurs bâtiments. Et s’il ne s’agissait pas des bons bâtiments? Il est crucial de recueillir toutes les données et d’avoir ces conversations dès le début pour pouvoir passer à l’étape suivante : établir en priorité ce qui doit être fait à court terme. »
2. Élaborez une stratégie pouvant être concrétisée, pas juste une qui paraît bien sur papier
Établir des priorités à court terme consiste à déterminer les gains les plus faciles et les plus importants. En général, il s’agit des bâtiments dont l’empreinte carbone est la plus élevée, où le potentiel de réduction est le plus grand grâce au financement et aux technologies disponibles. « Certains peuvent être en très mauvais état, inefficaces, et avoir besoin de rénovations importantes à court terme, note Carolyn. Ces bâtiments sont les candidats idéaux. »
Mais la stratégie doit avoir du sens pour l’organisation et les choix évidents ne sont pas toujours les bons. Carolyn Johanson conseille grande société d'État canadienne, qui s’est engagée à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et à réduire ses émissions de moitié d’ici 2030. La société possède un vaste portefeuille de bâtiments au pays, certains étant très grands, mais aussi plusieurs petits. Puisque le réseau électrique canadien émet peu d’émissions de carbone et que 68 % de l’électricité est produite par des énergies renouvelables, l’électrification des systèmes de chauffage de ces plus petits bâtiments semblait être un moyen relativement simple et peu coûteux de réduire les émissions de carbone dans l’ensemble du portefeuille.
Les analyses réalisées par WSP ont révélé que pour rester sur la bonne voie, la société d'État doit effectuer des rénovations mineures sur 1 000 bâtiments d’ici 2030. « Il s’agit de l’option la moins coûteuse pour permettre à la société d’atteindre son objectif, mais elle ne pourra jamais mettre en œuvre autant de projets simultanément dans cette période parce qu’elle n’a simplement pas les ressources pour le faire. »
Au lieu de cela, il s’est avéré plus efficace de s’attaquer à certains des plus gros émetteurs, soit de très grands bâtiments nécessitant des interventions importantes. « Ces rénovations sont plus complexes et plus coûteuses, mais elles ne concernent que 200 ou 300 de leurs installations. Ce genre de plan est plus réaliste. »
Pour aider en ce sens, WSP a développé une méthodologie structurée (en anglais) dans le but d’aider les équipes responsables des biens immobiliers à établir les priorités de leurs portefeuilles.
3. Soyez prêts à revoir votre stratégie
La Science Based Targets initiative (SBTi), qui traduit les dernières données scientifiques sur le climat en orientations pour les organisations et valide leurs plans de réduction des émissions, fait office de référence en la matière. Mais la science évolue et, par conséquent, les orientations et les objectifs aussi.
« Il ne suffit pas d’élaborer sa stratégie une fois. Un plan ne peut pas être statique pendant 40 ans ou même 20 ans. Il doit être pensé sur environ cinq ans. La technologie évoluera, les coûts changeront, ces cadres et documents d’orientation seront remplacés et les prévisions sur les facteurs d’émissions changeront aussi. À mesure que des tâches sont réalisées, vous voulez tirer profit de ce que vous avez fait et des leçons apprises. »
Durant ses sept ans à titre de conseillère en décarbonation auprès des clients, Carolyn a vu l’accent changer plusieurs fois. Au début, les activités visaient la réduction de la consommation d’énergie et de l’intensité des émissions, en améliorant l’efficacité des bâtiments ou en installant des systèmes de production d’énergie renouvelable sur place. Puis, les organisations ont vu qu’elles pouvaient réduire globalement leurs émissions liées aux combustibles fossiles en achetant des crédits d’énergie renouvelable et en concluant des accords d’achat d’énergie.
Elles doivent maintenant revoir ces stratégies. Une ébauche d’orientation publiée en mai par la SBTi (en anglais) suggère que les progrès réalisés en vue d’atteindre les cibles soient calculés uniquement en fonction de l’intensité des émissions du réseau local, afin de refléter la réduction réelle de la consommation d’énergie. « Ça va être un changement majeur, remarque Carolyn. Les clients qui ont commencé à mettre en œuvre leurs stratégies doivent les revoir et s’assurer que le travail qu’ils font les aidera à atteindre leurs objectifs, conformément aux dernières méthodologies. »
4. Analysez vos autres dépenses
La décarbonation ne peut pas se faire de manière isolée. Elle doit s’arrimer à d’autres investissements en capital. « C’est essentiel, non seulement en ce qui concerne le budget disponible, mais aussi pour saisir les moments clés du cycle de vie d’un bâtiment où l’on a la possibilité d’intervenir », soutient Carolyn.
Par exemple, dans l’ébauche d’orientation de la SBTi, les organisations doivent aussi s’engager à n’installer aucun nouvel équipement de chauffage ou de cuisson alimenté par des combustibles fossiles après 2025. « Si vous avez affaire à un bâtiment dont le système de chauffage doit être converti d’ici deux ans, vous devez étudier les options qui s’offrent à vous dès maintenant. »
Examiner l’entretien et les améliorations prévus peut aider à déterminer les priorités en matière de rénovations. « En sachant à quel moment ces décisions doivent être prises, nous pouvons commencer à établir les priorités pour le prochain cycle d’études. Nous pouvons voir les bâtiments qui subiront d’importantes rénovations au cours des cinq prochaines années et au cours des cinq années suivantes. Il n’est pas nécessaire d’effectuer l’étude la plus technique et approfondie d’un bâtiment si vous n’allez pas faire de rénovations pendant 20 ans. »
De l’autre côté, ça réduit aussi le risque d’autosabotage et, en fin de compte, d’actifs délaissés. « Je crois que les propriétaires qui s’en tirent le moins bien sont ceux qui ont installé une chaudière au gaz naturel neuve au cours des trois dernières années. Les locataires pourraient juger qu’il est plus facile de déménager dans un bâtiment où la conversion du système de chauffage est prévue dans les cinq prochaines années et dont le propriétaire a choisi l’électrification, plutôt que de louer un bâtiment neuf ou récemment rénové qui est chauffé aux combustibles fossiles. La possibilité de remplacer le système de chauffage ne se représentera pas avant 20 ans, à moins de retirer un équipement entièrement fonctionnel et de le remplacer. »