DES MÉTHODES DE CONSTRUCTION MODERNES POUR RELEVER LES DÉFIS DU XXIE SIÈCLE

Il y aura énormément de pain sur la planche pour le secteur mondial de la construction au cours des décennies à venir : décarboner l’environnement bâti, mettre en place les infrastructures d’un monde carboneutre, construire pour une population croissante des habitations résilientes face aux changements climatiques, et bâtir des établissements de soins de santé en réponse au vieillissement démographique. Nous avons besoin d’énergie renouvelable, de centres de données, d’usines de fabrication de batteries au lithium, de liaisons ferroviaires à grande vitesse, et la liste ne s’arrête pas là. 

Pour accomplir tout cela, il nous faut absolument trouver des réponses aux problèmes de longue date du secteur de la construction en matière de productivité, d’efficacité et de recrutement. La hausse des coûts de construction est attribuable en partie à celle du prix des matériaux et aux conditions difficiles du marché de l’emploi, mais elle est aussi un symptôme flagrant de l’inefficacité du secteur et de son incapacité à se moderniser. Selon la banque d’investissement ING, les prix ont pratiquement doublé dans le secteur européen de la construction entre 1995 et 2020, tandis que ceux du secteur manufacturier se sont accrus de moins de 20 %. À l’inverse, la productivité de la main-d’œuvre a presque doublé dans ce dernier secteur au cours des 25 dernières années, et celle du domaine de la construction a grimpé d’à peine 20 %. 

Voici où entrent en jeu les méthodes de construction modernes, qui détiennent la clé d’une augmentation radicale de la productivité du secteur et de l’élimination des émissions de carbone intrinsèque et des déchets. Les méthodes classiques de construction requièrent le transport de plusieurs milliers de composantes individuelles à destination du chantier, où elles sont assemblées. Une grande partie de ce travail pourrait plutôt être accompli en usine de fabrication, ce qui améliorerait la qualité du travail, la sécurité, la collaboration et la productivité, tout en réduisant la production de rebuts. Le terme « méthodes de construction modernes » désigne en fait un vaste éventail de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodologies et technologies. Elles englobent par exemple des modules préfabriqués entièrement équipés, qu’on peut simplement raccorder ensemble sur le chantier; des composantes sous forme d’ensembles de pièces prêts à l’assemblage; des méthodes d’impression 3D sur le chantier; ou encore des jumeaux numériques renfermant toute l’information détaillée sur chacune des composantes des actifs bâtis. Plusieurs de ces solutions existent depuis un certain temps, et même quelques décennies, mais grâce aux avancées dans le domaine des technologies numériques, il est maintenant possible d’en tirer pleinement profit. 

Chez WSP, nous avons travaillé avec des promoteurs, des entrepreneurs, des fabricants et des gouvernements pour concevoir des solutions d’avant-garde et les mettre en œuvre partout dans le monde. Ce faisant, nous avons parfois ouvert la porte à des projets auparavant irréalisables. À Londres, en faisant appel à un mode de construction hybride acier-bois, plus léger, nous avons pu ajouter quatre étages à un édifice existant sans avoir à consolider la structure ou les fondations en place. De fait, les techniques utilisant le bois massif présentent un énorme potentiel. Une étude comparative portant sur la construction d’un plancher type d’immeuble de bureaux a conclu que la dalle de plancher hybride acier-bois renfermait au départ près de 50 % moins de carbone intrinsèque que les structures classiques en acier composite et en béton armé. De plus, l’ossature en béton armé était plus lourde de 80 %, nécessitant ainsi des fondations de type et de dimensions conséquentes et cinq fois plus de livraisons au chantier.

Une autre étude a révélé que l’utilisation d’un système de construction par panneaux (préassemblés en usine), à la place d’une dalle de béton classique, réduit le nombre de livraisons au chantier de 100 à 50. L’emploi d’un système de construction modulaire volumétrique faisait ensuite tomber ce nombre à 12 seulement. Nous avons également établi qu’en faisant appel à la construction volumétrique ou à des ensembles tout prêts de pièces à assembler, il était possible de gagner jusqu’à une année sur l’échéancier de construction d’une tour de 45 étages.

Plus près du sol, nous constatons aussi les avantages des méthodes de construction modernes. À titre d’exemple, pour le centre hospitalier de l’Université Grange, au Pays de Galles, le recours à la construction hors chantier dans 50 à 55 % du projet a permis d’écourter les travaux de 42 semaines et d’accroître la productivité de 45 %. Le projet InnoCell, concernant un édifice à logements de 17 étages situé dans le parc des sciences et des technologies de Hong Kong, a été achevé six mois avant l’échéance prévue grâce à l’emploi d’un système modulaire en acier. Il serait ainsi possible, dans l’avenir, de tout simplement déboulonner les modules pour les remplacer. À Auckland, en Nouvelle-Zélande, l’utilisation d’outils numériques pour le traitement des données, la gestion des documents et la modélisation des services de tunnel du projet de ligne ferroviaire City Rail Link (en anglais seulement) a épargné des milliers d’heures de travail de conception. 

Nous constatons que les meilleures possibilités s’offrent à nous lorsque nous privilégions dès le début du processus de projet une approche axée sur la préfabrication. En essence, les méthodes de construction modernes s’appuient sur les économies d’échelle, et cela est vrai tant du point de vue de la conception que de la construction. Nous devons revoir notre façon de construire les bâtiments et les infrastructures, mais aussi celle de les concevoir. Ainsi, une approche axée sur la préfabrication nous permettrait, plutôt que de recommencer chaque fois à partir des principes de base, de sélectionner dans un catalogue optimisé des composantes conformes aux normes, puis de les adapter sur mesure en fonction du contexte ainsi que de l’expérience utilisateur et de l’esthétique recherchées. Il ne s’agit pas ici de produire des bâtiments en copier-coller, mais plutôt de supprimer les dédoublements de tâches et de se demander en toute honnêteté dans quels cas la variété ajoute de la valeur et dans quels autres elle contribue uniquement à la production d’une plus grande quantité de déchets. 

La normalisation des hauteurs d’étage, des quadrillages de structure ou des fixations pour panneaux de revêtement extérieur n’aura pas pour effet de créer un environnement bâti homogène, mais bien celui de simplifier et d’accélérer la construction et les rénovations subséquentes. La conception d’un escalier implique 150 décisions distinctes et nous les prenons de manière intuitive chaque fois. Mais il n’est pas nécessaire de concevoir une structure particulière pour chaque escalier, de même pour la conception des salles de bain. Les plans d’aménagement pourraient être normalisés, mais configurés pour accueillir différents accessoires de plomberie et finitions, et indiquer en temps réel les calculs de coûts et d’émissions de carbone. Dans l’un des projets de construction d’habitations sur lequel nous travaillons au Moyen-Orient, même le niveau le plus élémentaire de configuration offre des milliers de variations. 

Il subsistera toujours un équilibre à atteindre entre la conception numérique et artisanale, en fonction du secteur concerné. Une plus grande uniformisation offrira par exemple la meilleure valeur pour des projets reproductibles et à grande échelle, où les coûts et la rapidité d’exécution revêtent une importance primordiale. Tandis qu’une approche de conception davantage sur mesure sera probablement plus appropriée dans le cas d’une salle de concert ou d’un édifice public que l’on souhaite emblématique. 

En tant que concepteurs, nous devons tenir compte d’un ensemble de plus en plus complexe de demandes en matière de bâtiments et d’infrastructures. Il nous faut analyser l’empreinte carbone intrinsèque, anticiper les changements climatiques et créer des environnements plus sains pour les occupants des bâtiments et installations. Nous avons besoin de nous libérer de certaines tâches pour pouvoir concentrer notre créativité aux endroits où elle aura les incidences les plus favorables. 

Une refonte du secteur en ce sens génère aussi de la valeur pour les communautés, en créant de nouveaux emplois stables dans des installations propres, sûres et inclusives. L’emplacement des usines de fabrication pourrait être établi en vue de favoriser le développement régional ou de stimuler la création de nouveaux pôles économiques. Dans le cas des grands projets, il serait possible d’optimiser le nombre et l’emplacement de nouvelles usines en analysant les données relatives à la logistique, aux effets des émissions de carbone et à la valeur sociale du projet.

Nous sommes convaincus que les méthodes de construction modernes deviendront un jour la norme, car leurs avantages sont trop grands pour ne pas en tenir compte. Mais il devient urgent pour nous d’accélérer les progrès en ce sens, tout en nous assurant en cours de processus de ne pas sacrifier la qualité de conception. Chez WSP, nous sommes impatients de travailler de concert avec nos clients et partenaires au renouveau du secteur de la construction, pour qu’il puisse répondre efficacement aux défis de ce XXIe siècle.  
Cet article a été publié pour la première fois dans Global Construction Futures (en anglais seulement).