Il est essentiel de ne pas sous-estimer l’importance de l’infrastructure des établissements de soins de santé. Partout dans le monde, les citoyens dépendent des hôpitaux, lesquels doivent fonctionner en tout temps, sans interruption, afin de fournir des soins essentiels en continu. Que ce soit pour le refroidissement, la ventilation, la stérilisation ou l’éclairage, les besoins énergétiques des hôpitaux sont considérables. Par conséquent, leurs émissions de carbone le sont tout autant. En effet, le secteur des soins de santé est responsable de 4,4 % des émissions annuelles mondiales . De plus en plus de pays se sont engagés à atteindre des objectifs de carboneutralité et les hôpitaux ont une énorme responsabilité à cet égard. La décarbonation du secteur des soins de santé est un défi pressant et difficile à l’échelle mondiale. L’électrification fait-elle partie de la solution? Grâce à celle-ci, les hôpitaux pourraient réduire leur dépendance envers les combustibles fossiles et dégager des bénéfices importants. Un établissement fonctionnant uniquement avec de l’énergie électrique peut réaliser des économies sur les coûts d’énergie, contribuer à améliorer la santé humaine et tracer la voie vers un futur plus écologique et durable pour les soins de santé et la planète.
Explorer l’électrification
L’électrification des hôpitaux implique le remplacement des technologies et systèmes existants alimentés aux combustibles fossiles par des solutions de rechange durables comme les thermopompes et les véhicules électriques. Si les hôpitaux pouvaient exploiter les sources d’électricité à zéro émission de carbone comme les énergies éolienne, solaire, hydroélectrique et géothermique pour répondre à leurs besoins énergétiques importants, ils réduiraient considérablement leur empreinte carbone. Alessandro Ciampechini, directeur adjoint chez WSP, donne une idée plus précise de l’implication de la transition vers une énergie électrique plus durable : « Il s’agit de convertir les systèmes de chauffage, de ventilation et d’air climatisé en technologies électriques. Pour ce faire, il faudra repenser les systèmes de production de chauffage et d’eau chaude afin que les points de consigne de température soient plus bas. De plus, même si les futurs hôpitaux devront réduire la quantité de vapeur qu’ils utilisent, il ne faut pas oublier que l’électricité peut contribuer à la génération de vapeur, y compris pour la stérilisation », explique-t-il.
M. Ciampechini travaille sur la stratégie énergétique visant à rendre l’hôpital Royal United de Bath carboneutre d’ici 2030, ce qui constitue un exemple parfait d’hôpital cherchant à électrifier ses opérations afin de réduire ses émissions de carbone. « Le travail est divisé en trois volets principaux : réduire la demande énergétique en optimisant l’équipement existant et en mettant à niveau les systèmes; maximiser la production d’énergie renouvelable sur place en installant des panneaux solaires photovoltaïques; éliminer les combustibles fossiles en les remplaçant par de l’énergie électrique », ajoute-t-il. En Australie, ce projet visant à rendre un hôpital entièrement électrique est en cours. En effet, le nouveau Women’s and Children’s Hospital (nWCH) d’Adélaïde sera relié à une source électrique alimentée par le réseau d’énergie renouvelable de l’Australie du Sud et utilisera également de l’énergie générée et stockée sur place. En date de 2020, les énergies renouvelables répondaient à 60 % des besoins énergétiques de l’État.
Le futur est-il entièrement électrique?
Les visions d’un futur où les hôpitaux sont entièrement, ou du moins partiellement, électriques sont encourageantes, mais s’agit-il d’un objectif atteignable? Des vies dépendent du fonctionnement constant et continu des hôpitaux. Il est donc essentiel que ceux-ci puissent compter sur un approvisionnement énergétique fiable et suffisant, ce qui constitue un facteur important lorsque vient le temps d’évaluer la possibilité d’aller de l’avant avec l’électrification. M. Ciampechini reconnait qu’il existe certains défis, mais considère qu’il est possible de les surmonter à condition que les hôpitaux se préparent de manière adéquate et minutieuse : « Les hôpitaux et les établissements de soins de santé doivent satisfaire à des exigences uniques en matière de chauffage, y compris en ce qui concerne la demande en vapeur à haute température et la demande élevée en eau chaude qui, dans certains cas, peuvent être difficiles à combler au moyen de technologies à faibles émissions de carbone comme les thermopompes, les réseaux thermiques et les sources d’énergie thermique solaire. Par conséquent, chaque bâtiment doit faire l’objet d’une évaluation technique complète, d’une stratégie détaillée et d’une analyse de rentabilité, et ce, pour trouver la solution la plus efficace pour ses besoins. »
En raison du nombre croissant de fournisseurs d’énergie renouvelable capables d’approvisionner les hôpitaux au moyen de sources d’électricité renouvelable indépendamment du lieu où ils se trouvent, ainsi que des innovations et technologies en plein essor, l’électrification est une possibilité réelle. « Du point de vue des technologies, nous avons déjà tout le nécessaire pour concrétiser cette vision, affirme M. Ciampechini. De plus, au cours des prochaines années, ces technologies deviendront plus efficaces et pourront être utilisées pour des applications plus nombreuses. » Bien sûr, l’électrification nécessitera d’importants investissements initiaux, mais sera financièrement avantageuse à plus long terme grâce aux économies d’énergie réalisées et à la fin de la perception de taxes sur les combustibles fossiles. « Le plan de mise en œuvre doit être réaliste et ne doit pas perturber les activités de l’hôpital, précise M. Ciampechini. Les investissements majeurs peuvent être combinés aux rénovations d’un hôpital, ou être intégrés dans le cadre des programmes de remplacement des équipements. Le remplacement des équipements à forte consommation de carbone à la fin de leur durée de vie technique utile par des équipements à faible ou à zéro émission de carbone est également judicieux du point de vue des dépenses d’exploitation à moyen et long termes », ajoute-t-il.
Une option qui favorise la transformation
Finalement, si les hôpitaux partout dans le monde deviennent entièrement électriques ou intègrent l’énergie électrique à leurs bâtiments et activités, ceci pourrait contribuer à créer un cercle vertueux. En effet, en plus de contribuer aux objectifs de carboneutralité au moyen, par exemple, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre du nWCH d’Adélaïde, qui sont estimées à 2 178 tonnes par année, ce qui équivaut à retirer 700 véhicules de la route, le passage aux sources d’énergie renouvelable sera avantageux pour la santé publique, sans compter qu’il contribuera à faire diminuer les coûts des soins de santé, puisque les sources d’énergie non renouvelables sont associées à toute une panoplie de problèmes de santé. En outre, l’utilisation de véhicules zéro émission signifie moins de pollution et, par le fait même, une diminution des maladies connexes, ce qui réduira aussi les coûts des soins de santé. De plus, les hôpitaux ont le potentiel de renforcer leur résilience en intégrant des innovations électriques, améliorant par la même occasion la disponibilité et la fiabilité de l’énergie. Afin que les hôpitaux puissent se permettre les éléments essentiels à leur électrification, un appui et des investissements du gouvernement sont nécessaires et, grâce aux innovations intéressantes, les options pour l’électrification continueront à se multiplier. Ainsi, non seulement l’électrification des hôpitaux est réalisable, mais elle a aussi le potentiel de donner une nouvelle vie aux infrastructures vieillissantes et de préparer les hôpitaux pour l’avenir.
1https://www.carbonbrief.org/healthcare-in-worlds-largest-economies-accounts-for-4-of-global-emissions