Bien entendu, ce ne sont pas tous les pays qui répondront à cet appel. L’objectif « zéro émission net » varie grandement d’un pays à l’autre, et seuls quelques gouvernements ont inscrit à leur législation cet objectif à atteindre d’ici 2050.
D’aucuns craignent que la COVID-19 ne fasse qu’exacerber ces différences, affirme Elliott Cappell, directeur, Changements climatiques et résilience, chez WSP Canada. « Dans le domaine de la résilience, les catastrophes et les chocs sont considérés comme des “catalyseurs”, c’est-à-dire qu’ils accélèrent l’évolution des choses. Ils mettent également en lumière les enjeux et les failles de notre société et des entreprises. La COVID-19 est un choc énorme et elle accélère l’évolution des tendances. »
Autrement dit, quiconque avait déjà l’intention de réduire ses émissions de carbone pourrait avoir un regain de motivation sous l’effet de la pandémie, alors qu’une autre entité qui jonglait déjà avec plusieurs priorités concentrera désormais ses efforts à régler les enjeux et les problèmes qu’elle rencontre dans l’immédiat.
Cependant, même dans les territoires où la réduction des émissions n’est pas une priorité pour le gouvernement, la COVID-19 pourrait néanmoins se révéler comme un catalyseur de changement, estime Kieran Power, responsable national, Résilience et changements climatiques à WSP Australie. « La forte volonté de réduire les émissions de carbone chez les gouvernements des États et le secteur privé n’est pas partagée par le gouvernement fédéral (en Australie) à l’heure actuelle. Il demeure néanmoins que la pandémie offre un argument de taille aux défenseurs nationaux de l’objectif “zéro émission net”, qui prônent un changement de discours. Nos vastes ressources éoliennes et solaires sont un avantage concurrentiel important, et un élément catalyseur menant à l’atteinte de l’objectif “zéro émission net” pourrait contribuer à une reprise économique. »
Les États-Unis manquent également d’ambition au palier fédéral. Il ne faut toutefois pas en déduire que les états qui travaillaient en vue de la réduction de leurs émissions de carbone avant la pandémie ont perdu leur motivation, comme le démontre le mouvement #wearestillin, qui s’est formé après le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. « Nul ne peut nier que les états de New York ou de la Californie cherchent à “reconstruire un monde meilleur”. Il demeure que les organismes privés seront appelés à jouer un rôle plus important, car les gouvernements d’État n’auront simplement pas les fonds nécessaires », nous met en garde Michael Mondshine, directeur, Développement durable, énergie et changements climatiques, chez WSP États-Unis.
Une divergence entre le secteur privé et le secteur public est également nettement évidente au Brésil. Les objectifs en matière de durabilité après les Jeux olympiques de Rio en 2016 n’ont pas donné lieu à des mesures concrètes. Par ailleurs, le gouvernement actuel voit les enjeux environnementaux comme un obstacle à la croissance, affirme Paulo Mario Correia Araújo, président d’ECOLOGY Brasil chez WSP. La position du gouvernement l’oppose non seulement à ses propres ministères, mais également à l’Institute of the Environment and Renewable Natural Resources (IBAMA) et à certaines des plus grandes sociétés du pays. De fait, alors même que le Brésil livre un combat au virus, le géant de l’industrie minière Vale vient tout juste d’investir deux milliards de dollars américains dans des initiatives visant à réduire ses émissions de carbone de 33 % d’ici 2030, dans le cadre de son programme de carboneutralité prévu pour 2050. La société de cosmétiques Natura & Co est une autre entreprise dont la détermination à réduire les émissions de carbone s’est renforcée plutôt que de s’affaiblir pendant la pandémie. Elle est devenue un des signataires fondateurs de l’initiative Transform to Net Zero (voir ci-dessous).