Cet article fut originalement publié en anglais en août 2019 dans le magazine de WSP The Possible
On a longtemps considéré que prendre l’autobus plutôt que la voiture constituait l’un des fondements d’un mode de vie urbain écologique. Toutefois, cette croyance peut être remise en question, d’un certain point de vue, lorsque l’on examine quelles sont les plus grandes sources d’oxydes d’azote (NOx) et de particules en suspension dans l’air dans plusieurs grandes villes. Même si le nombre d’autobus y est inférieur à celui des voitures, à cause de leur gros moteur diesel, conjugué à des trajets ponctués d’arrêts et de départs fréquents et de marche au ralenti du moteur pendant les arrêts, la pollution causée par la flotte d’autobus d’une ville s’avère parfois supérieure à celle de l’ensemble des véhicules à essence qui y circulent. Fait encore plus préoccupant, une quantité disproportionnée des polluants émis par les autobus le sont au moment où l’autobus repart après un arrêt. Les personnes qui attendent le prochain autobus se retrouvent en conséquence exposées à des concentrations de polluants 150 fois plus élevées que les piétons se trouvant seulement à un coin de rue de distance.
Certains autobus au diesel moins polluants, hybrides ou au gaz naturel, améliorent la situation dans les villes qui peuvent se le permettre. Les autobus électriques constituent néanmoins la solution la plus propre de toutes, générant pratiquement zéro émission. Le remplacement des autobus les plus vieux et les plus polluants par des modèles électriques peut ainsi se révéler l’un des moyens les plus rapides et efficaces de réduire à la fois les oxydes d’azote et les particules en suspension dans l’air de la ville.
« Jusqu’ici, le principal obstacle à l’adoption de cette solution par les municipalités est son coût initial, indique Nick Albanese, expert en transport électrique chez BloombergNEF. Variant entre 570 000 et 870 000 dollars américains, leur prix dépasse d’environ 250 000 $ celui de modèles équivalents à moteur diesel. À cause de cela, leur implantation s’est limitée jusqu’à maintenant à des endroits comme la Chine, la Californie et l’Europe, où des subventions gouvernementales ont permis de combler l’écart de prix. »
Les autobus électriques requièrent de plus la mise en place d’infrastructures de recharge. Les plus récents sont équipés de batteries de 350 kWh et ont une autonomie de plus de 320 km, ce qui est suffisant pour effectuer une journée complète de trajets avant de retourner au dépôt pour être rechargé durant la nuit. « Ces autobus-là sont les plus chers, précise Nick Albanese, mais des modèles moins coûteux avec une moins grande autonomie peuvent quand même être utiles pour les trajets plus courts. »
Une autre façon de résoudre la question de l’autonomie consiste à installer des dispositifs de recharge sans fil par induction, aux arrêts d’autobus par exemple, de façon à ce que les autobus puissent se recharger pendant l’embarquement des passagers. La ville de Chattanooga au Tennessee figure parmi les rares villes à avoir adopté cette technologie. « En général, ce type d’infrastructure est coûteux, et la recharge a tendance à prendre plus de temps », explique Nick Albanese.
De telles innovations pourraient bientôt se voir supplantées par les rapides avancées technologiques en matière de batteries. « Le coût des batteries a baissé de plus de 85 % depuis 2010, ajoute-t-il. Et la technologie s’est améliorée aussi. Certaines municipalités s’inquiétaient par exemple du risque que les batteries ne fonctionnent pas bien par temps froid, mais les fabricants ont déjà réglé plusieurs de ces problèmes. »
Selon le rapport annuel 2019 de BloombergNEF portant sur les perspectives à long terme des véhicules électriques, Electric Vehicle Outlook 2019, à l’heure actuelle, quelque 99 % de tous les autobus électriques en fonction dans le monde se trouvent en Chine, où ils constituent 18 % de la flotte d’autobus. À titre de comparaison, ils représentent à peine plus de 1 % de tous les autobus municipaux d’Europe. Le Royaume-Uni arrive en tête de liste avec 381 autobus électriques, suivi de près par les Pays-Bas avec 371.
À noter toutefois que le portrait change rapidement, et Nick Albanese croit que d’ici 2030 le bilan sera tout autre. « À cause des améliorations constantes en matière de technologie et de fabrication, la parité des coûts entre autobus au diesel et électriques devrait être atteinte autour de 2030, et peut-être même avant. Ça va tout changer. » De plus, des changements majeurs dans la réglementation auront aussi pour effet de multiplier le nombre d’autobus électriques sur les routes. Par exemple, l’État de la Californie a annoncé que d’ici 2029, tous les nouveaux autobus achetés par les villes devront être à zéro émission, et l’Union européenne souhaite que 33 % des autobus soient « propres » d’ici 2030. De nombreuses villes, dont Londres et Amsterdam, imposent quant à elles des cibles plus strictes.
Ironiquement, conclut Nick Albanese, en certains endroits, ces rapides améliorations technologiques font partie des causes mêmes du retard accusé pour constituer les flottes d’autobus électriques. « Comme les municipalités estiment que les autobus électriques seront bientôt moins chers et plus performants, elles pensent qu’il est mieux d’attendre pour obtenir une meilleure valeur. »
Pour ceux qui font la file à l’arrêt d’autobus, toutefois, l’attente s’annonce peu plaisante.