L’existence d’équipement plus ancien, déjà en place, complique cette tâche, mais le défi n’est pas insurmontable. Le cœur du réseau doit être suffisamment moderne pour prendre en charge la mise en place d’un réseau défini par logiciel (SDN), qui remplace les anciennes frontières physiques par une gestion virtuelle. Cette tendance a entrainé une banalisation du matériel informatique en lui-même; ainsi « au lieu d’avoir besoin de deux gros appareils très dispendieux, il est possible aujourd’hui d’en utiliser une demi-douzaine, beaucoup moins chers, exploités par une couche logicielle très efficace. » On peut ainsi prévoir des mises à niveau aux endroits les plus vulnérables et repousser les composantes plus anciennes et moins intelligentes en périphérie du réseau.
Les réseaux de soins de santé ne peuvent se permettre aucun point faible, met en garde Terri Govang, directrice, Sécurité stratégique et Technologie de WSP. Il peut coûter très cher de refaire tout le câblage dans un bâtiment ou d’installer de nouveaux conduits, « mais le prix de telles mesures de prévention n’est rien à côté du coût global d’une atteinte à la sécurité des données, particulièrement lorsqu’elle implique des renseignements sur la santé des patients. Il n’y a rien de plus personnel que cela. » Selon le fabricant de logiciels Emisoft, 764 fournisseurs de soins de santé aux États-Unis ont été la cible de rançongiciels en 2019, dans une véritable « avalanche d’attaques, incessantes et sans précédent ». Outre les atteintes à la réputation et la fuite de renseignements personnels, la défaillance d’un système peut avoir des conséquences tragiques dans le monde réel. Par exemple, en septembre, une citoyenne allemande a perdu la vie des suites d’une défaillance des systèmes de TI d’un grand hôpital de Dusseldorf, causée par un piratage. Les plus grandes vulnérabilités ne se situent pas dans les nouveaux systèmes, mais dans les plus vieux, désuets ou inappropriés, qui ont rendu tristement célèbres bien des organismes du secteur public. Ainsi, lorsque le rançongiciel WannCry s’est attaqué en 2017 à une faiblesse des appareils plus anciens fonctionnant avec Windows, le National Health Service du Royaume-Uni s’est retrouvé parmi les organisations les plus touchées au monde.
« Il ne faut donc faire aucun compromis sur la sécurité, mais ce ne doit pas être non plus aux dépens de l’expérience des utilisateurs », ajoute Barbara MacKenzie. C’est la clé de la réussite. L’accès doit être rapide, facile et uniforme d’un appareil à l’autre. Par-dessus tout, les interactions des utilisateurs avec les nouvelles technologies doivent se dérouler harmonieusement, dès le premier jour. « Si on installe quelque chose qui marche “presque”, les gens vont arrêter de l’utiliser parce que ça présente un trop grand risque. Il faut s’assurer que chaque technologie ou changement de flux de travail imposé aux utilisateurs constitue pour eux une valeur ajoutée. C’est seulement une fois que la confiance est établie, et que les technologies tiennent effectivement leurs promesses, que la résilience s'installe au sein de l’organisation. Ce sont les personnes, de concert avec les processus numériques intégrés, qui forment ensemble cette résilience. »
Nikolaus Varchmin, gestionnaire de projet, Soins de santé de WSP à Munich, s’affirme lui aussi que les technologies intelligentes n’ont de valeur que si elles complètent et améliorent les processus humains. « Très souvent, lorsque nous pensons à la technologie dans le domaine des soins de santé, nous le faisons souvent de façon dichotomique, en opposant les personnes aux robots, plutôt que de considérer leur alliance. Mais pour récolter les fruits des avancées technologiques, il faut considérer les facteurs humains et les infrastructures comme un tout et chercher à vraiment comprendre le fonctionnement d’un hôpital. Nous avons besoin de faire des progrès dans ces deux avenues. »
En d’autres mots, la technologie, tout comme les données qu’elle emploie et canalise, ne peut contribuer à la résilience que si elle aide directement les humains.
Au cours de la présente série d’articles, nous avons exploré diverses solutions pour améliorer la résilience des soins de santé à l’échelle des systèmes, que ce soit par l’intermédiaire d’une amélioration de la flexibilité des bâtiments eux-mêmes ou de l’utilisation des données et des technologies intelligentes. Mais un certain type de résilience surpasse tous les autres : la résilience humaine. La capacité qu’ont les personnes et les communautés de résister aux catastrophes dépend de nombreux facteurs, entre autres de leur état de santé physique et mentale, de la qualité de leurs milieux de vie et de travail, et de l’existence de réseaux de soutien. Pour améliorer la résilience dans ces domaines, il faut voir au-delà du système de soins de santé et poser notre regard sur ce lieu où la plupart d’entre nous avons élu domicile : la ville. Dans la portion finale de notre série, nous allons donc évaluer en quoi l’environnement bâti peut contribuer à améliorer la santé et la résilience des populations.