Dans de nombreux endroits, la réaction immédiate à la crise a été d’augmenter la capacité d’accueil en convertissant de grands bâtiments comme des stades ou des centres de congrès ou en construisant carrément de nouveaux hôpitaux de campagne. En prévision de l’avenir, toutefois, cette stratégie s’oriente maintenant plutôt vers la création de capacité additionnelle à l’intérieur même des hôpitaux ou à proximité immédiate, pour faciliter l’accès au personnel, à l’équipement et aux infrastructures nécessaires.
Durant la pandémie de COVID-19, le changement en « mode pandémie » impliquait aussi un réaménagement des entrées et des locaux des hôpitaux pour isoler les patients infectés de ceux qui ne l’étaient pas, de même que pour séparer les voies de circulation du personnel, de l’équipement et des fournitures. Les unités de soins intensifs ont été agrandies en prévision d’un accroissement du nombre de patients gravement atteints, et des salles d’isolement ont été improvisées par l’installation de ventilateurs et de filtres en vue de créer une pression négative. Une plus grande flexibilité dans la conception des locaux et des systèmes permettrait, une prochaine fois, une transition plus facile et plus efficace. Les salles d’unités de soins intensifs, à titre d’exemple, ont besoin de capacités de niveau supérieur en ce qui a trait à l’alimentation en gaz médicaux pour les patients sous respirateur et aussi en matière de redondance des systèmes d’alimentation électrique de secours. De plus, les infrastructures hospitalières doivent pouvoir répondre à une demande beaucoup plus grande en oxygène.
« Convertir une chambre d’hôpital normale en chambre de soins intensifs ne se fait pas en deux temps, trois mouvements, dit Gary Hamilton, responsable du secteur des soins de santé chez WSP à Washington D. C. On ne peut pas juste se contenter de brancher tout l’équipement nécessaire pour maintenir le patient en vie, parce que les exigences des systèmes sont très différentes. » À l’occasion d’un projet de conversion, il a découvert que le réseau de distribution de gaz médicaux pouvait être étendu un petit peu, mais que la tuyauterie de l’hôpital n’était pas d’assez gros calibre pour transporter les débits plus importants. « Il aurait été possible d’accroitre cette capacité au moment de la conception, ce qui n’aurait eu qu’un effet marginal sur le coût global des infrastructures et nous aurait évité ce problème. Mais voilà, nous n’avons pas fait la conception en prévision d’une pandémie. La crise que nous avons vécue est sans précédent, mais elle nous enseigne qu’au lieu de concevoir des installations en fonction des critères minimum des codes, il est important d’adopter une approche plus flexible. » Parmi les autres changements mineurs possibles à la conception, par exemple, on pourrait aussi prévoir des portes d’entrée supplémentaires et des portes coupe-feu additionnelles entre les services, pour aider à la séparation et au cloisonnement.
Mais jusqu’où exactement faut-il aller? Jusqu’à quel point les propriétaires et les équipes de conception doivent-ils tenter d’anticiper l’avenir, et dans quel degré de flexibilité vaut-il la peine d’investir aujourd’hui? Les ingénieurs tiennent déjà compte des interactions potentielles de divers types de situations d’urgence, des catastrophes naturelles aux tueries de masse, et la pandémie ajoute une couche supplémentaire à tout cela. Le rehaussement des critères de conception minimaux des codes pourrait faciliter le processus, fait remarquer April Woods, vice-présidente chez WSP en Floride. Selon elle, la COVID aura un effet comparable à celui de l’ouragan Andrew, qui a ravagé l’état en 1992. « Cela a entrainé beaucoup de changements dans les codes du bâtiment, ici et plus au nord le long de la côte, pour tous les bâtiments, mais encore plus particulièrement pour tout ce qui concerne la résilience des établissements de soins de santé. Je crois que dans les années à venir, une plus grande flexibilité des installations deviendra tout simplement une norme que nous devrons intégrer à tous nos travaux de conception, par exemple de manière à permettre à tous les systèmes techniques d’être modifiés rapidement pour faire face à une pandémie. Lorsque ce genre de caractéristiques est requis dans les codes, les propriétaires n’ont pas à décider de les inclure ou non. »